Dans un jardin abandonné

Mauvais côtés…. Tout ce qui ne devait être que rage, haine et colère. La défaite et non la victoire, la honte et non l’honneur, quoi que l’on fasse. Quoi que l’on fasse… Est-ce qu’on avait besoin d’un père pour survivre ? Les souvenirs créés étaient bien moins néfastes, de toute évidence.

« Tout est n’importe quoi… »

Les paroles de Jiao Long lui donnaient la nausée. Ainsi il était un être détestable qui avait un père détestable. Quoi de plus logique ? Le yokai Yamigumo devait bien rire dans sa sombre fortesse.
Tout avait commencé comme une épopée héroïque, un héros solitaire, une princesse enlevée, une mort glorieuse, un enfant…
Puis la déchéance, enlever toute humanité aux deux bébés …

Mais tout le monde s’en fout

L’honneur n’est plus qu’un mot, un simple souffle qu’absolument tout, même le silence, suffit à briser.
Quoi de plus pitoyable ?

Jiao-long observa son fils - Bordel qu'est-ce qu'il aimait prononcer ça !!! - d'un air pensif, puis haussa un sourcil.

Son fils ne parlait pas beaucoup mais il ne faisait aucune doute que ça s'agitait beaucoup là dessous...

Un rire bref lui échappa.

-La vieille charogne a loupé son coup ! Tu as quand même récupérer quelques trucs de ta mère tu peux me croire. Tu cogites trop, et ça, tu le tiens surement pas de moi. "

Il trouverait ça fantastique si, au lieu de faire un "bon" et un "mauvais", la vieille crevure s'était finalement contenter de diviser un être en deux. Aussi potentiellement dangereux l'un que l'autre.

Quelque chose qu’il tenait de sa mère ? Ryuu ne se considérait pas forcément comme une personne portée sur la réflexion. Au contraire même, et les quelques personnes de son entourage qui se soucient de lui, lui en avaient déjà fait la remarque.
D’un autre côté, que son grand-père ai totalement réussi ou partiellement raté ce qu’il voulait faire, le rônin ne trouvait pas beaucoup d’importance à la chose.
Raté ou bien monstrueusement parfait dans cet mas de défauts, Ryuuketsu n’en avait pas moins mené une vie misérable avec son propre nom à haïr et un destin que d’autres traçaient pour lui depuis bien trop longtemps. Savoir qu’il avait une once de qualité, aussi minuscule soit-elle, en lui n’effacerait probablement pas toutes les rages qui l’avaient habitées, toutes les colères qui le secouaient, cette soif de sang en lui, ce désespoir si profond qu’il préférait le nier…
Un jour, ce qui lui servait d’âme serait totalement annihilée, par la folie ou autre chose, cela lui paraissait une certitude. Mais pas tout de suite, le jeune homme avait d’autres choses à faire avant, comme battre Yamigumo ou bien encore écouter Tora chanter en imaginant qu’elle le faisait pour lui…

« Tout le monde semble avoir raté dans ce qu’il avait entreprit… mon grand-père souhait sûrement une amélioration dans le sort du pays en offrant sa fille, ma mère désirait échapper à Yamigumo et être libre, tu as voulu battre l’araignée, tu as échoué, mon grand-père a voulu faire un guerrier parfait, cela n’est pas le cas… »

Triste ironie des choses…

Bon pas tout ça mais cette histoire commençait à l'ennuyer finalement.

Oh, il ne fallait pas se faire d'illusion, il règlerait ses comptes en temps utile, cela ne ferait aucune doute...

"Bah une personne qui réussit tout cela n'existe pas..."

Sauf lui. Lui avait eut et réussit tout ce qu'il voulait... jusqu'à Yamigumo.

Il voulut se passe machinalement une main dans les cheveux et eut une légère pause au manque de contact. Ah oui... mort toussa...

"... Et sinon, tu fais quoi de ta vie ?"

Ryuuketsu lança un regard blasé à l’ectoplasme qui avait donc été son père, lorsque celui-ci lui fit la morale, comme quoi personne ne réussissait absolument tout, bla bla bla… ben voyons, il allait se reconvertir en fantôme de moine philosophe pour partir dans d’aussi belles tirades ?
Les gestes de l’autre attiraient néanmoins son attention. La manière dont il voulait se passer la main dans les cheveux, ses mimiques… Ryuu y cherchait le miroir de ses propres gestes à lui, la preuve qu’ils partageaient quelques choses. On ne lui avait jamais dit qu’il ressemblait à son père mais souvent, enfant, il s’était demandé quelle était l’apparence de celui-ci. Maintenant, il avait la réponse…
Etrange calme qui semblait soudain l’habiter, après sa colère d’il y a quelques instants. Mais c’était mieux ainsi, le contrôle de soi était important…

« Que puis-je faire sinon chercher à terminer ce que tu as commencé ? Le monstre est toujours envie, alors je réfléchis à un moyen de me passer les nerfs, sur lui… Et puis il y a bien d’autres gens que j’aimerai tuer…. »

Aux paroles de son rejeton, Jiao-long se retint de justesse d'ouvrir de grands yeux. Que ce soit d'émerveillement (son fifils qui voulait suivre ses pas) ou la fierté (son fifils qui voulait dégommer l'Araignée) voir même l'approbation (son fifils qui avait tout à fait l'air de vouloir dégommer une partie de sa famille), les raisons possibles étaient nombreuses mais là n'était pas l'important. (même si ça faisait plaisir de voir ce petit bout d'homme si décidé !).

A la place, il sourit d'un air songeur et tourna lentement autour de Ryuuketsu, l'examinant dans le moindre détail.

Pas mal pas mal... Il avait eu raison de choisir Akatsuki. Nul autre femme n'aurait pu donner un fils pareil. D'un autre coté, la princesse était elle-même une femme incroyable, bien au-dessus de la normale. Obligé que le... les gosses... suivent le pli ! Les chiens ne font pas des chats comme on dit après tout.

-"Et ça se présente comment ? Elle fait toujours autant parler d'elle ou elle a fait profil bas pendant un moment ? Elle était pas spécialement en bon état quand elle a finit par m'avoir hein ? "

Jiao Long souriait beaucoup, Ryuu s’était toujours représenté son père comme un guerrier sérieux et digne, n’ayant pas de temps à perdre avec de telles mimiques. Peut être, parce que les hommes qu’il avait put voir, au temple, ne souriaient guère en sa présence non plus, cela avait du aider à forger sa vision des choses. Pour le moment l’autre, le fantôme, lui tournait autour. Fantôme, spectre, quelque chose d’insaisissable, d’incompréhensible. Est-ce que cela voulait dire que l’homme n’était plus humain ?

« Hé bien, suis-je donc un cheval, pour que tu me regardes ainsi ? »

Ses prunelles noires se dardèrent aussitôt sur la silhouette de son père. Etrangement, il avait retrouvé son sourire. Oui, Ryuu se sentait presque calme, apaisé. Il avait dit ce qu’il comptait faire, et sa voie ne lui en apparaissait que mieux tracée.

« De toute évidence, tu l’as juste égratignée…. Quelques années lui ont suffi pour s’en remettre, d’après ce que j’ai comprit. Elle fait surtout parler d’elle ici, en territoire Kitsune. Les sacrifices se sont intensifiés pendant un moment, en plus des massacres… »

Un haussement d’épaule, un ricanement. C’était si idiot tout ça… et à côté, le clan Tengu qui se voilait les yeux, refusait d’aider. Pitoyable… Mais c’était leur problème. Ryuu ne voulait juste que le meurtre et le sang.
Et après, rêver au regard d’une femme…

Le revenant eut un sourire en coin mi-figue, mi-raisin sans répondre tout de suite.

D’un œil de connaisseur, il évaluait la silhouette de son fils, les muscles, la façon dont les articulations jouaient, le mouvement des yeux qui suivaient ses déplacements.

Tout lui hurlait que c’était un guerrier. Bon à quel point ? Il ne savait pas encore… quoique il y avait encore un sérieux manque du coté du contrôle des émotions… C’est vrai que Jiao avait fait dans la simplicité, il avait laissé tombé les émotions quand il était devenu un combattant… ça aidait…

Dans le visage de son fils, il retrouvait aussi certains traits d’Akatsuki et il se souvenait. Son arrivée dans ce pays, ses combats… son impression qu’au fond rien ne changeait.

Kyou. Ses attaques, sa crinière écarlate, son corps de guerrier… nu contre le sien…

L’envie grandissante de défier l’Araignée… l’idée d’enlever la princesse qui lui était destiné. La rencontre avec Akatsuki et la certitude qu’elle était la seule assez digne pour porter sa descendance… Et puis le jour où il l’avait laissé repartir…. Et la nuit où il avait abandonné Kyou pour aller à la rencontre de Yamigumo.

Il ricana à la remarque de son fils sur l’Araignée.

-« Tout juste égratigné hein ? Et pourtant pas un seul n’a eu le cran d’aller finir le boulot… » Une exclamation méprisante lui échappa. « Les choses ne changent guère. »

Ils préféraient surement tous se terrer, se laissant abattre comme des moutons en se disant que de toute façon ils n’avaient aucune chance. C’était tellement plus facile… Lui avait tenté, et l’avait blessé ! Il était peut être mort mais c’était avec cette fierté de ne pas avoir tremblé devant Yamigumo.

Une immense vague de mépris le saisit tandis que Jiao Long le contemplait et repensait à son passé. Mépris, haine, dégoût. Pourquoi ? Parce que, oui il aurait put éprouver de la tristesse mais non, la seule chose coulant dans ses veines était la rancœur. Parce que la tristesse était un sentiment de compassion et d’humilité, lui il ne connaissait rien de cela. Ryuu le savait, les seules émotions que son sang répandait dans son corps était violentes et égoïstes, incitant encore plus à la solitude. Alors il sourit, pour cacher tout cela. Il sourit et éclata de rire à la remarque de son père.

« Qu’attendais-tu donc de ces gens ? Qu’ils prennent conscience que tu leur avais ouvert la voie ? Qu’ils étaient à deux doigts peut-être de récupérer leur liberté ? Il n’y a plus de guerriers dans ce pays, juste des souvenirs. Des souvenirs comme toi, inutiles… Et des rêves que l’on sait irréalisable, c’est dommage. »

Nouvel éclat de rire, nouvel éclat de folie. Mais le garçon gardait la tête haute et jamais l’étincelle de fierté haineuse ne s’éteignait de son regard

« Ne sont-ils pas amusants tous ? Ils se cachent, ils gâchent leur vie, celle de leurs enfants…. Les fous ».

Et lui, lui il irait tuer Yamigumo. Mais pourquoi ? Avant sa rencontre avec son père, il voulait le faire pour venger le guerrier, mais maintenant on allait dire que la raison n’était plus trop valable. Alors quoi, pour ces gens ? qu’ils restent confinés dans leur trou ! Obéir à sa mère ? Montrer qu’il vaut mieux que son père ? La dernière solution lui semblait la plus sûre. Et après, après répandre sa rage et sa colère, croisant le fer avec tous ceux qu’il croisait, vivre ou mourir, il faut choisir ? Non, car lui c’était la mort qui s’accrochait à ses pas, enlaçait son ombre. On ne le voudrait jamais vivant alors il se battrait pour la mort, encore et encore, jusque à ce que son sabre tombe…