Dans un jardin abandonné

[=> Marais]

Les routes étaient vraiment désertes aujourd’hui, Ryuuketsu constata cela avec un ennui profond. Ca voulait dire pas d’adversaires, donc pas de combats… L’ennui allait donc rythmer sa marche. Désespérant…
AU bout d’un moment, le jeune homme ne put s’empêcher de chantonner, à voix basse. Au début, cela n’avait été qu’un simple marmonnement, avant que les paroles ne deviennent enfin intelligibles. Une chanson que lui chantait sa mère, une comptine… De quoi lui tenir compagnie dans sa randonnée solitaire…

Son regard s’éclaira soudain. Là bas…. une silhouette ! Peut-être y aurait-il un peu de distraction finalement ? Une main négligemment posée sur la garde de son sabre, Ryuu s’avança d’un pas calme vers l’homme.
Le rônin souriait légèrement et ne paraissait être rien d’autre qu’un jeune homme à l’air aimable et d’assez bonne humeur. Et dire que dans son esprit, il calculait déjà les mouvements pour tuer Jiao avec le moins de coups possibles…

« Il est facile de se perdre dans cet endroit, de toute évidence, c’est ce qui vous est arrivé … »

Quelque chose dans la posture de l’homme, dans sa carrure également, le frappa soudain. Cet homme savait se battre, savait tuer, cela se voyait….

Mais Ryuu remarqua également quelque chose, la forme de ses yeux. C’était un étranger. Parlait-il la langue ? Le langage des lames est universel, cela ne serait aucunement un soucis..

Apostrophé et toujours très zen - si on exceptait cette envie de défoncer quelqu'un ou quelque chose - Jiao se tourna tranquillement vers le nouveau arrivé.

Boah ! C'était un gamin... Mais un gamin avec une arme... yǒu yì si ! Mais savait-il l'utiliser son coupe chou ? Il étudia avec intérêt la posture et les gestes du garçon. A priori oui !

Et puis il tilta sur le visage et fit la moue. Bizarre... cette tête lui était vaguement familière. Enfin, quelle importance !

Une main sur la hanche, il lui adressa un sourire plein de dents.

-Perdu est un bien grand mot, je suis du genre à me sentir partout chez moi. Mais dis moi Jiãn, tu t'y connais en lì shǐ ? C'est quoi déjà le mot... le passé tu connais ?






yǒu yì si : Intéressant/Amusant
Jiãn : gamin
lì shǐ : histoire

Ryuuketsu cligna de l’œil une fois en reconnaissant un dialecte chinois dans la bouche de l’étranger. Lui-même connaissait quelques mots, phrases, expressions. Juste de quoi s’exprimer sans difficulté, grâce à sa mère, qui avait insisté pour lui trouver un maître d’arme venant de ce pays.
Le pays de son père également, donc un peu le sien ? Peut-être bien. Mais que venait faire cet homme ici, par delà la mer ? Il était bien loin de son foyer… Espérons qu’il ne fasse pas partie d’une armée, visant à envahir le pays en profitant de sa faiblesse due aux yokais…

« Histoire, le mot que vous cherchez…oui je m’y connais, c’est mon pays après tout »

Et ses parents avaient tous deux eu un rôle important dans les évènements…

« Que venez-vous faire ici, étranger ? Ceci n ‘est pas qu’une visite culturelle ou linguistique je suppose… »

Ryuu n’avait pas cessé de sourire aimablement. Pourtant, sa voix se durcit et devint froide, glacée. Peut-être même légèrement hautaine. Il n’avait même pas envie de demander le nom de l’homme, les noms ne révélaient rien après tout….

Le chinois haussa un sourcil, vaguement amusé par le comportement du garçon.

-Oui "histoire" voila... Quand à ma présence dans ce pays, - et au passage mon nom est Jiao, pas "étranger", ça fait un bon bout de temps que j'y ai trouvé refuge. C'est un peu mon pays ici."

Après tout ce n'était pas faux, il y avait femme - si on pouvait dire..."- enfant - normalement... - et amant.

Il se fit ouvertement moquer pour s'adresser de nouveau au vivant.

-Mais qui es-tu donc, jiãn pour avoir l'air si sur de toi ? Les enfants - et il insista bien sur le mot - dirigent-ils maintenant ce pays ? Voila qui serait intéressant !

Ryuu sentit ses doigts se crisper sur son sabre et se gifla intérieurement. Un geste instinctif, qu’il n’avait pas prévu. Mauvais ça, très mauvais, il devait quand même être capable de se contrôler ! L’autre faisait juste preuve d’insolence, pas de quoi s’inquiéter. Juste un sentiment d’inquiétude impossible à définir lorsque il considérait l’homme. Preuve que ça en serait un ennemi intéressant ? Voilà qui était alléchant …

« Je n’ai que faire de votre nom, étranger… »

Toujours le sourire éclatant sur son visage. Jiao ? Intéressant, un nom presque semblable à celui de son père. Juste un peu plus court. L’homme était jeune. Certes, plus vieux que lui, mais simplement parce qu’il n’était pas un enfant.

« Qui je suis ? quelqu’un qui n’est chez lui nulle part, alors je continue de marcher quoi qu’il advienne… »

Eclair de mépris et de fierté dans les prunelles sombres. Oui il était un enfant, certes, mais un enfant connaissant l’art du sabre. Il pouvait se battre, il savait tuer. Il tuait.

« Pas les enfants, les démons… Il y aurait bien plus de sang en train de couler, sinon. Vous êtes ici en territoire Kitsune, sous la férule du yokai Yamigumo mais…. Normalement vous devriez le savoir puisque vous êtes ici depuis longtemps… »

Jiao qui s'amusait jusqu'à là des réactions de l'enfant, fut stopper net dans la réplique qu'il allait lui lancer.

Une rage sans nom lui tordait ce qui lui tenait lieu d'entrailles. L'heure n'était plus à l'amusement avec un bébé et son jouet.

-shī bài ! shī bài ! shī bài ! J'y étais presque ! tā mā de ! Cette āng zāng d'Araignée s'en est sortie !

Aussi vite qu'il avait eu son coup de sang, il se calma et adressa un regard serein mais glacial à l'enfant.

-Ne me prends pas de haut jiãn, je suis peut être mort et j'ai peut être loupé quelques années, voir dizaines d'années de ce pays, cela ne fait pas de moi un enfant de choeur.



shī bài : raté !
tā mā de : merde !
āng zāng : saleté / salissure / saloperie / fange
jiãn : gamin

Ryuu regarda calmement Jiao s’énerver. Un excentrique. En fait, à vrai dire, le garçon ne l’écoutait même plus. Il se demandait s’il allait l’attaquer ou non. L’autre était un fou, ça ne faisait aucun doute pour lui, alors le tuer ne poserait aucun problème. Surtout si en plus c’était un étranger.
Du même pays que son père, du pays qui était aussi un peu le sien…

« Comment dois-je considérer l’idiot du village alors, si ce n’est comme une chose insignifiante ? »

Toujours ce sourire accroché à ces lèvres, comme joyeux, innocent. Toujours cette fierté dans le regard, qu’il ne prenait même pas la peine de dissimuler, froide, fière…

« Peut-être comme un cadavre… »

Il pouvait sentir tous les muscles de son corps, se tendre dans l’attente du combat. Les choses commençaient à être ennuyeuses, il valait mieux tacher de s’amuser un peu ! Evoquer Yamigumo ne l’avait jamais réjouit, mais qu’importe, un jour prochain, il lui décollerait la tête de son corps avec la lame de son sabre.
Simplement pour montrer qu’il était fort…
AAPrès , peut-être qu’il n’y aurait que les ténèbres pour l’accueillir…

« Voyons voir comment vous vous battez, étranger… »

Jiao plissa les yeux. Ce gamin était bien marrant mais un trou dans le ventre ne lui ferait pas de mal à l'égo.

-Comment je me bats jiãn ? Bien mieux que tu ne le feras jamais. J'ai tué plus d'humains et de Yokais que tu n'en rencontreras jamais dans ta vie.

Un sourire malsain lui étira les lèvres et il tendit la main pour effleurer, du moins façon de parler, la gorge du gamin.

-Remercie Yamigumo jiãn sinon c'est Jiao-long lui même qui t'aurait décollé la tête des épaules pour t'apprendre à mieux juger tes adversaires.

Qu'il était cruel de le ramener dans cet état, incapable de se battre, de toucher, de tuer.

Là, cet idiot commença sérieusement à l’énerver. Voilà qu’il se prenait pour un héros mort à présent ! La folie de son interlocuteur ne faisait plus aucun doute pour le jeune rônin, cela se voyait dans son sourire. Il n’y avait pas que Ryuu pour sourire ainsi…
La main qui s’avance vers sa gorge… Le brun se recula. Un mouvement brusque mais non dénué de souplesse.

« Jiao Long, vraiment ? »

Plus de sourire à présent, l’impression d’être un daim prêt à recevoir la flèche du chasseur, mais ça ne se passerait pas ainsi. Parce que Ryuu gagnerait. Il gagnait toujours. Le regard froid, hautain, méprisant, haineux aussi. Colérique. Petite touche d’immaturité dans cet être qui se voulait machine à tuer…

« Remercier Yamigumo ? Hé bien toi maudis-le de n’avoir pas tué l’enfant du héros que tu aimerais être, car c’est ce même fils qui va te vider de ton sang, comme le plus vulgaire des porcs ! »

Le bruit du métal qui glisse le long du fourreau, le sifflement de l’air que le sabre fend, l’impression de tenir la main d’un vieil ami. L’envie de le voir poisseux de sang aussi forte qu’un homme a envie de voir sa maîtresse nue …
Aussi vif qu’un chat, Ryuuketsu bondit, prêt à attaquer. Un coup, un seul, là, en diagonale…

Les hommes avaient craint le père, ils apprendront à craindre le fils !

Jiao renifla, hautement méprisant et ironique.

-Le héros que je crois être ? Et depuis quand mon nom est synonyme d'héroïsme ?!! Ne m'insulte pas jiãn !

Il étrangla un rire en comprenant ce que sous-entendait la tirade du gamin et laissa sans inquiétude la lame le traverser sans s'inquiéter. Il était déjà mort après tout et se savait intangible.

Le fils ?

Jiao-long ne doutait pas d'avoir des tas de bâtards, ce n'est pas comme si il était resté chaste tout sa vie durant, mais cette fierté, en dehors de lui, ça ne pouvait venir que d'une seule personne.

- Par tout les culs que j'ai pu baiser ! Tu es le fils d'Akatsuki ?

Lorsqu’une lame traverse u corps, cela se fait dans une gerbe de sang. Un sang chaud, poisseux, puant… Là, ce ne fut pas le cas. Aucunes chairs déchirées, aucun os sur lequel la lame pouvait buter, aucun organe à transpercer…
Vide et néant…
Sur le coup, Ryuuketsu écarquilla les yeux. Normalement, ce genre de chose n’arrivait que lorsque on combattait un fantôme, même si lui ne l’avait jamais fait, il lui était déjà arrivé de lire des histoires à ce sujet, alors pourquoi ?

« Qu’est-ce que…. ?! »

Emporté par son élan, il dut avancer un pied afin de retrouver son équilibre. Ses mains étaient crispées de manière violente sur la poignée de son sabre à présent et les jointures à ses mains blanchissaient brutalement.

Un fantôme…

Et cette voix, cette voix qu’il détestait, emplie de railleries… Jusque à ce que la vulgarité s’en mêle. Il connaissait plus le mot pour ‘histoire’, le chinois, mais de toute évidence, les insultes et expressions crues, ça y allait !
L’espace d’un instant, il lui sembla revoir le visage de sa mère, toujours triste et mélancolique, comme marqué du sceau d’un secret qu’il ne pourrait jamais comprendre. Et cet homme vulgaire à côté….

« Ma mère est la princesse Akatsuki, descendante de la famille Tengu, peu importe comment tu as su son nom, barbare, mais jamais tu n’aurais pu la rencontrer, la voir, ne serait-ce que l’effleurer… »

Non, cet homme n’était pas son père. Son père était mort, son père n’était pas un homme vulgaire, il était une main tenant un sabre presque imbattable…
Pas ça…
Pas ça du tout….

Le revenant regarda avec une satisfaction sans borne le gamin perdre de sa superbe.

Si ça, ça le calmait pas, il savait pas ce qui lui faudrait.


-"Oui, la princesse Akatsuki, descendante de la famille Tengu, qui fut enlevé par des brigands alors qu'elle allait être offerte à l'Araignée... elle était belle, elle était fière, elle est tout ce qu'une femme doit être pour être respecté. Quelques semaines plus tard, elle fut rendue à sa famille, enceinte."

Il eut un nouveau sourire plein de dents.

-"Ca te suffit où tu veux des détails, ér zi, mon fils ?

C'était pas beau le hasard ? Tomber sur son propre rejeton ! Son FILS ! Il était bel et bien né ! Et quel fierté dans le regard ! Quelle combativité !



ér zi : fils

La colère est une chose étrange. On l’imagine aussi flamboyante qu’une lame chauffée à blanc, aussi vive que le faucon bondissant sur sa proie, mais il n’en est pas toujours ainsi. Il la sentait se déverser lentement, cruellement dans ses veines. Froide, glacée, comme le venin du serpent, si douloureuse…
Un sabre qui s’enfonce petit à petit en lui, pour qu’un sang noirâtre, poisseux, gluant, s’écoule dans tout son corps, l’étouffant de l’intérieur…
Et rien pour faire éclater la plaie…

Les prêtres… les prêtres au temple, lorsque, pleins de dégouts et de mépris, ils lui avaient révélé le secret de son nom, ils avaient accusé Akatsuki de s’entre enfuie de son plein gré avec des guerriers étrangers, la faisant ainsi passer pour une putain. Lui bien sûr, petit garçon, n’avait pas comprit l’allusion évidemment. Et jamais sa mère n’avait démenti la moindre chose, elle s’était contentée de lui raconter les faits d’armes de son père, sa façon de combattre…
Elle lui avait raconté le sabre et non l’homme…

« Chien ! Charogne ! »

Cet homme, comment osait-il parler ? Comment osait-il ? Son père avait été un fier guerrier, pas un bouseux à l’humour salace et douteux…

Et lui, lui qui avait cru être un enfant, n’avait-il finalement été que le fruit d’un rapt ? Lui et son autre moitié….
Mais Ryuu était le mauvais côté de l’enfant originel. Douleur, larmes, tristesse, haine, colère, désespoir….

Bien, les choses étant claires, maintenant que le gamin savait à qui il avait affaire et qu'il ne pouvait le tuer, ils allaient peut être passer aux choses sérieuses.

-"Bon sang mais qu'est-ce-qu'ils t'ont raconté ? On passe sa vie à se tailler une mauvaise réputation et quand on revient votre fils vous prends pour un héros... Calmes-toi donc jeune chiot !! Et racontes moi. Oui racontes moi ce qu'il s'est passé entre ma mort et aujourd'hui."

Cette haine qui submergeait son fils, il la connaissait, c'était la même qu'il avait déjà subit, vécue. Il ne l'oublierait jamais, elle l'avait paré à tout ce qui pourrait lui arriver par la suite.

Raconter, que raconter ? Pourquoi parler….Pourquoi à lui ? La terre tremblait sous ses pieds, le sol s’effondrait, il ne pouvait que chuter. Parce que d’autres en avait décidé ainsi.
A genoux, à genoux le fier enfant qui savait pertinemment que l’on faisait brûler ses ailes. Que devait-il dire à ce père qui apparaissait…un père…
Qu’il était une boule de honte et de haine, qu’il était tout ce que l’on devait haïr dans un fils, contrairement à cet autre, cet autre enfant…

« Tu es mort…. Tu n’as rien à savoir »

Respirer, reprendre son calme. Cela ne dura que quelques secondes. Ryuu ferma les yeux. Lorsque il les rouvrit, ceux-ci n’étaient que froideur.

« Pars, fantôme raté… »

Non, il ne chutera pas. Pas encore. Se relever, se relever avec un sourire arrogant, voilà tout. Tout cela n’avait été que mensonges et lui, comme un idiot avait faillit y croire. Un ricanement presque fou s’échappa de ses lèvres, mensonges…

Car tout était vrai

« Pars…. »

... Visiblement son fils le prenait plus mal que prévu.

Il se demandait vraiment ce qu'on avait bien pu lui mettre dans le crane franchement.

-Bon sang Jiãn, tu connaissais mon nom mais tu ne savais pas qui j'étais ? Tu trembles, tu fonds, tu me hais. Et bien soit ! Mais fais le au moins correctement, on dirait un château de sable qui va s'écrouler là !

Semblerait que certains avaient prit quelques libertés avec son histoire, il était pas sur d'apprécier ça. Après tout Jiao assumait parfaitement ce qu'il avait été, ce qu'il avait fait.

-Ne viens pas me dire que mon fils est un qiè, un couard incapable de regarder la réalité en face quand même ? Je suis un monstre, un assassin, tué alors qu'il essayait de dégommé plus fort que lui. Point barre. Fait avec ou enterres-toi mais cesse de trembler comme une pucelle qui vient de se faire déflorer à la sauvage. Je ne sais pas ce que je fais là mais je m'en fous. J'y suis. Et je veux savoir ce que j'ai loupé.

Quelle folie que de sentir les mots vous écorcher les oreilles… Mais Ryuu était debout alors peu importe ce que l’autre faisait, peu importe ce qu’il disait, il tiendrait… Un château de sable ? Mais en s’écroulant, le château laisse se déverser ses grains et, si un grain roule assez loin, peut-être pourra-t-il bloquer les rouages

« dix-sept années, voilà ce que tu as manqué. Toute une vie. Tu as manqué encore et encore tous ces jours d’esclavages, ces vierges assassinées, ces enfants qui meurent de faim…. »

Un léger sourire s’était dessiné sur son visage. Ryuuketsu nota avec satisfaction qu’il arrivait à contenir le tremblement dans ses mains, c’était déjà ça.

« Mais tout ça, je m’en fiche… je vais te dire ce que tu as raté… Tu as raté un bébé à nommer… »

Tant de haine tout d’un coup… Aimes tes parents, honore la mère qui t’as nourrit, honore le père qui t’as protégé…Le jeune homme respira profondément, cherchant au fond de lui ce calme qui risquait de lui faire cruellement défaut.

« Tu m’appelles fils…. Mais lorsque tu sauras, tu ne le voudras plus… tout comme moi je n’ai pas envie de t’appeler père »

Il se sentit à peine rengainer son sabre dans le fourreau, n’ayant aucunement conscience de ses doigts sur la garde.
Le ciel au dessus d’eux, si bleu, si bleu…
Ryuu choisit de se détourner de ce père qu’il disait-être, de cette main tenant le sabre, de cet homme mort sous les coups d’un démon. Ne lui restait plus qu’à s’enfoncer dans ses propres ténèbres…

Dix sept ans ? Ca aurait pu être pire non ? Peut être, fallait voir les conséquences que ça irait.

La première étant visiblement un gosse refusant de reconnaitre qu'il était son gosse... Perturbé le gosse pour être précis.

Mais les propos du gamin l'intriguait. Et l'enrageait peut être même un petit peu... Quelle vie avait donc eu à subir son moutard pour réagir ainsi ?

Sauf que Jiao n'était pas du genre à se prendre la tête. Il allait prendre les choses une par une. Puis, soit les régler, soit les écrabouiller. Ou faire ce qu'il pourrait pour ça.

-Qu'est ce que tu racontes èr zi ? Fils tu es fils tu restes. J'aime ce que j'ai vu. La façon dont tu tiens ton arme, ta façon de te jeter dans la bagarre, ta fierté. Alors pourquoi je ne voudrais plus t'appeler comme ce que tu es ? Tu fais du xiù le soir avant de te coucher ou quoi ?

En attendant, le gosse soulevait quand même un autre point important.

-Mais c'est vrai ça... comment tu t'appelles ?

Dix sept ans.... eh ! Maintenant qu'il y pensait, Kyou devait toujours être vivant alors !

Il eut un léger froncement de sourcils.

Sauf si cette tête brulée avait toujours sa manie de sauter sur les gens et avait trouvé plus fort que lui...


xiù : broderie

Ryuu était bien décidé à partir et à chasser de son esprit toute cette étrange rencontre, même si il savait, bien entendu, qu’oublier était impossible. Au fond, c’était cela son problème, ile se souvenait de bien trop de choses, et surtout des blessures subies. Les cicatrices qui marquent le corps sont souvent invisibles…
Un mot l’interpella soudain. Parce qu’il n’en comprenait pas le sens, mais savait très bien qu’une insulte se cachait derrière. Aussi, tourna-t-il la tête vers le spectre, le regard vide malgré l’interrogation.

« Xiù ? »

Mais Jiao Long décida de le tourmenter encore une fois, par sa propre question. Son nom. Que devait-il dire ? Qu’il portait le nom du carnage et du meurtre ? Gerbe de sang, voilà qu’elle en était la signification. Un nom pour lui rappeler tout ce qu’il était, tout ce qu’il ne serait jamais….

« Ryuuketsu »

Sang et carnages…

Un nom pour dire qu’il ne serait qu’un meurtrier. Encore un poignard pour le tourmenter, il y en avait temps. Mais cette lame ci était parfois retirée de son corps par une main blanche et fine lorsque le mot honni était prononcé. Parce qu’alors il y perdait tout son sens…

Sang et carnage …

La main qui frôle le sabre, comme pour rechercher le courage d’un ami….

Xiù. Ben xiù quoi... Jiao ne chercha même pas la traduction, il lui était évident qu'il ne l'avait surement pas. Au lieu de ça, il mima le geste de broder avec un sourire en coin moqueur, fallait juste espérer que le gamin comprendrait au pire, ce ne serait pas grave !

Et puis il savoura le nom. Ryuuketsu... Ca c'est un nom qu'il pouvait comprendre.

Sang et carnage... plutôt pas mal pour le fils du dragon... Mais Jiao c'était aussi "exterminer", "anéantir". Il se souvenait de ce type en Chine qui lui avait sorti que son nom pouvait donc aussi se traduire par "dragon de la destruction". Ca l'avait fait rire surtout vu la haine que le type avait mit dans son explication. Si il pensait l'insulter, ça avait été loupé pour le coup !

-C'est un joli nom. Un nom puissant.

Il nota le geste du garçon mais fit mine de rien. Le gamin était encore secoué mais prenait sur lui...Brave petit...

-Mais tu ne m'as pas répondu èr zi, pourquoi ne voudrais-je pas de toi comme fils ?

Un nom puissant, peut-être, le méritait-il ? Avait-il envie de le porter ? Lui qui ne devait être qu’haï. Comment expliquer à ce père mort, qu’il n’était même pas tout à fait un être humain ? Juste une moitié, la plus mauvaise…

« Tout le monde ici connaît l’histoire des fils de Jiao Long, va donc demander au premier paysan venu et étripe-le après »

Le rônin se tourna finalement complètement vers Jiao, fier, agressif, lui demandant implicitement de lui rendre des comptes. Il avait dit être partout chez lui, mais Ryuu n’avait aucun endroit où se réfugier, lui… La différence entre le père et l’enfant était-elle si grande ? De toute évidence, il fallait le croire. Et Ryuuketsu avait de plus en plus la désagréable impression de n’être qu’une ombre pitoyable. Ombre de ce frère, de ce lui-même que l’on voulait voir vivre, mais aussi ombre de ce père, sauvage et orgueilleux, insolent et combattant… Comment vivre face à ça, face à eux ? Chaque mouvement fait le plongeait un peu plus dans le gouffre, bientôt serait atteint le point de non-retour…

« ils m’on fait de manière à ce que je n’ai aucune des qualités qu’un fils puisse avoir »

Honore la mère qui t’a nourri, Honore le père qui t’a défendu..

Mais Ryuu ne semblait savoir que haïr…

Tout le monde tout le monde... ben il était pas tout le monde justement, il était un putain de revenant qui venait juste de "revenir" justement !

Et pourquoi son gosse arrivait pas à répondre directement à une question hein ?

- Tout ce que tu fais jiãn, c'est m'intriguer un peu plus vu que je comprends rien de ce que tu racontes. Mes fils ? t'as un frangin ? Vous êtes.jumili ? Juma...
.... shuāng bāo tāi ?

Merde... il trouvait plus le mot... Bon pas grave.

- Et pourquoi les gens devraient-ils connaitre votre histoire. Pitié me dit pas que ça à un rapport avec cette histoire de héros de mes couilles.

Il savait pas ce qui prenait autant la tête au fiston mais il aimerait bien une réponse claire pour être sincère.

-Et c'est quoi cette histoire de "ils t'ont fait" ? Quand aux qualités tu m'as l'air d'avoir ce qu'il faut. Une arme et la capacité et la volonté de t'en servir.



shuāng bāo tāi : jumeaux

« Un enfant… un seul »

Pas un être humain. Ryuuketsu pouvait sentir une boule de dégoût se former dans sa gorge, sensation bien trop familière qu’il croyait pourtant avoir apprit à ignorer. Comment dire, comment expliquer ?! Quels avaient donc été les mots des moines ? Quelque chose entre abomination et monstre…

« A la naissance de l’enfant, le véritable…. Le père de ma mère avait bien comprit quel grand guerrier il pouvait être….mais il se rappelait aussi du père… Alors cette pourriture décida d’opérer un rituel magique afin de….de… »

Respirer un grand coup, encore une fois. Ryuu se força à relever la tête, malgré la honte qui lui brouillait les entrailles, comme sa mère le lui avait apprit. Il pouvait sentir son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine, un demi cœur ?

« Afin de séparer âme et corps en deux parties…. Un bébé pourvu de toutes les qualités qu’aurait eu l’enfant originel et un autre de tous les….. tous les défauts… »

Pouvait-il soutenir le regard du fantôme ? Oui, droit et fier, tremblant de rage et de dégoût, tout un ouragan de violence, contenu avec une peine grandissante dans ses veines, dans ses mains…

« Et moi qui suis ce rebut de fils, ils voulaient me tuer ! Ils l’auraient fait si mère n’avait pas tué un des prêtres avant pour m’emporter loin d’ici, se condamnant à l’exil… Je cherche la puissance, ta puissance mais jamais on ne me l’accordera….je suis le moucheron qui doit se brûler les ailes d’avoir trop approché de la lampe »

Tout était dit, pas de qualités, pas une seule. Mais Ryuu se débattrait, il tuerait bien des gens avant de mourir à son tour, dan le déshonneur et la honte…

...

D'accord. Très bien. Il allait devoir trouver un moyen de tenir une arme, ça devenait urgent là.

QU'EST CE QUE CES VIEUX CHIEURS AVAIENT OSE FAIRE A SON... SES... SA PROGENITURE HEIN ??????

-Laisses moi récapituler. Y'avait un gosse. Ils se sont mis dans le crane que mes gènes pourraient être mauvais donc ils ont... divisé le gosse ? En gardant le bon dans l'un et le mauvais dans l'autre ? Et tu es le "mauvais" ?

Ces mecs étaient vraiment pas bien. Cela lui retira un sourire mauvais.

-c'est n'importe quoi. Mais je crois que le pire, c'est que tu penses que le fait d'être le "mauvais" ferait que je ne voudrais pas te reconnaitre comme mon fils alors qu'en récoltant mes mauvais cotés, tu l'es surement plus que ton double.