Marche Solitaire

[premier poste !]

Mais pourquoi avait il fallu que le maître le transforme en cet espèce de bipède malodorant et incapable, hein pourquoi ? Le pauvre petit Kaoru avait un mal fou à s’adapter à son nouveau corps : il ne pouvait plus respirer sous l’eau, ni même sauter aussi loin qu’avant. Bon, après avoir passé un certains temps à pester tout seul sur son malheur, il avait pris la direction des marais. Il pouvait bien profiter du fait que pour une fois il pouvait se balader librement et ainsi donc découvrir les marais. La recherche et l’espionnage des enfants Jiao-Long attendrait un peu.

Voilà donc plusieurs heures que la grenouille rôdait dans les marais, à la recherche du lieu de naissance de sa famille, pestant contre cette incapacité que présentait son corps à se déplacer dans la vase et l’eau. C’est donc tout en grâce et en finesse que le batracien avançait, c’est à dire à grands coups de SPLORTCH SPLORTCH et recouvert de boue et d’eau, ne manquant pas de s’étaler de tout son long dans la vase à plusieurs reprise. Ah ça ! Il avait fier allure ! On aurait dit une sorte de monstre des marais issue tout droit de la vase ! Soudain, le tas de boue ambulante s’arrêta net. Il venait d’apercevoir au loin un humain qui se tenait immobile au milieu des rizières inondées. Vite, vite ! Il fallait qu’il se cache ! Il n’était pas prés à rencontrer les hommes, non pas dut tout !

Pris de panique, Kawazu perdit l’équilibre – encore une fois – dans un gros SPLARF bien sonore et trouva le moyen de s’assommer à moitié sur une branche de bois. Il se redressa et regarda en direction de l’autre, l’air tendu, avant de s’affaler ventre à terre derrière de hautes herbes. Celui ci l’avait il remarqué ? Sûrement, il y avait vraiment peu de chance pour qu’il tombe sur un sourd. Mais bon, l’espoir fait vivre et Kaoru essayer de se rattacher à se minuscule espoir, même si au fond de lui il savait que c’était peine perdue !

Maudit corps !

Quelqu’un du bruit ? Qui ? Encore tuer ? Pas d’importance que le sang coule de nouveau, ce ne serait certainement pas le sien. Ryuuketsu eut un sourire à moitié fou. Il leva la tête vers le ciel bleu, plus loin quelqu’un dans son dos. Quelqu’un qui approchait. Qui tombait. Quelqu’un. Victime ? oui ? Non ?
Avec lenteur, le rônin tourna la tête…qui affichait un énorme sourire de gosse.

« Vous ne vous êtes pas fait mal monsieur ? ^________^ »

Le jeune homme paraissait trouver tout à fait normal que son interlocuteur soit à plat ventre dans la boue derrière des petites touffes d’herbes. Non, cela ne le dérangeait pas le moins du monde. Peut-être qu’un observateur attentif pourrait cependant remarquer que la main de Ryuu se trouvait à une distance fort peu éloignée de la poignée de son sabre. Ainsi, si kaoru se prenait de jouer les meurtriers, il trouverait à quoi répondre… bien que ce genre d’initiative ne semblait pas être le fort de l’individu en question.

« Êtes-vous blessé ? »

Un grand sourire, un visage avenant…mais le froid total derrière. Ne penser aucunes des paroles prononcées. Juste vouloir la mort et la destruction. Mais le sourire restait doux et innocent. Aussi innocent que les pensées horribles qui se cachaient derrière à propos des meurtres que Ryuu commettra pour arriver à ses fins.

Et voilà ! Il était découvert ! Quel idiot il pouvait être ! Quel corps mal adapté à ses besoins ! Bon au moins le type en question ne semblait pas très âgé et, chose rassurante, souriant et soucieux de sa santé. La grenouille se releva maladroitement sur ces deux petites jambes et s’efforça de sourire à l’inconnu, bien que la chose ne soit pas son fort. Finalement, il arriva à sortir un sourire contrit et se passa la main dans ses cheveux poisseux, avant de répondre :

« Tout… tout va bien. J’ai perdu l’équilibre et voilà. »

Il essaya d’ôter un peu de la boue qui maculait et collait à ses cheveux ou à sa peau, mais le résultat ne fut pas des plus concluant. Bon maintenant, il fallait sans doute qu’il explique sa présence dans les parages et plus important, qu’il essaye de se faire passer pour un humain normal. Oui… C’était pas gagné. Trouver une histoire crédible, il le fallait absolument !

« Je… J’étais partit pêcher et je me suis perdu dans les marais… »

Mouais, on avait fait mieux comme histoire, mais c’était la seule venant à l’esprit du batracien.

« Vous avez une idée de la direction à prendre afin de trouver une habitation dans le coin ? »

Il y avait quelque chose qui clochait avec cet humain : il avait l’air gentil, mais il y avait un détail qui ne collait vraiment pas… Mais Kaoru n’arrivait pas à mettre la main sur le détail en question.

Ryuu souriait toujours avec douceur et politesse à l’inconnu. Il éclata d’un rire que l’on pourrait aisément qualifier de gentiment moqueur devant les mésaventures de ce pauvre interlocuteur. Parti pêcher hein ?

« Il n’y a plus rien ici de mangeable ici, regardez donc… »

D’un grand geste du bras il engloba une partie des marais afin de les désigner à Kaoru. Mort, désolation, ruine. Enfin pour un humain incapable de se souvenir que grenouilles et compagnies pouvaient très bien y vivre sans le moindre problème.
Quoi qu’il en soit, d’habitude la plupart des gens avaient l’habitude d’éviter cet endroit. Et puis ce jeune homme avait l’air un peu…stressé…

« hum…. »

Juste le temps d’un souffle de vent, d’une lame appuyée contre la gorge du pauvre baltracien. Il avait fallut juste un bond souple à Ryuu pour se mettre à la hauteur et menacer l’infortuné Kaoru., preuve qu’il avait l’habitude de se défendre, l’habitude des combats et surtout… l’habitude des menaces.

Plus rien de mangeable dans des marrais ? Bah il devait bien y avoir poissons, anguilles et tritons, non ? Voir peut être même quelques rongeurs bien dodus ! Ces réflexions eurent pour effet de donner faim au batracien, mais ces considérations culinaires disparurent aussi sec pour être remplacer par la sensation d’une lame froide sur sa gorge. Il avait pas trop saisi ce qui venant de se passer là. Un petit effort de réflexion et il se remémora les quelques secondes passées… Non, il ne comprenait vraiment pas…

« Euh… glups… J’ai dit ou fait quelque chose qui vous aurez déplu monseigneur ? »

Bon, la seule explication valable, c’était qu’il ne jouait pas convenablement les humains et qu’il était découvert. Il savait bien que cette mission était une mauvaise idée ! Pauvre Kaoru, il voyait déjà sa vie s’achever, à peine sortit du lac Hotarubi ! Il faut avouer que les chances pour tomber sur un psychopathe à la première rencontre étaient faibles, mais pour le batracien et sa poisse naturelle, c’était naturel en fait.

« Vous comptez me tuer ? » fit il d’une voix plus geignarde. « Je ne vous connais même pas, je vous ai vu pour la première fois il y a quelques minutes à peine et pourtant vous semblez me tenir responsable d’un quelconque forfait… Ces marais vous appartiendraient ils ? »

Tiens donc, ce petit semblait être du genre pleurnichard à toujours demander pourquoi ci et pourquoi ça. Bon, évidemment il y avait toujours la possibilité que ce soit une ruse afin de lui faire baisser sa garde. Alors, tuera, tuera pas ? Ryuu n’avait pas cessé de sourire, son visage était calme de sorte qu’on ne pouvait deviner tout le remue-ménage qui se créait dans ses pensées.

« Allons, allons… donnez-moi votre nom et votre clan plutôt que de faire l’enfant ^___^ »

On ne savait jamais, selon son territoire cet homme pourrait toujours lui servir. Sinon, et bien sa mort le distrairait pour quelques instants. Un cadavre de plus ou de moins de toute manière…. On en était certainement plus à cela près.

« Plus vite ce sera fait, plus vite l’issu sera décidée, bonne ou mauvaise …»

Mais les morts que promettait Ryuuketsu, lorsque il en avait le temps, pouvaient parfois se révéler bien douloureuses et inhumaines. Même si là, le jeune homme essayerait d’éviter de faire gicler le sang un peu partout pour ne pas arriver dans le prochain village en en était totalement recouvert.

« Parfois juste un nom peut être un forfait… tu vas peut-être l’apprendre ? »

Quoi ? Son nom pouvait être son seul crime ? C’était quoi cette histoire, et puis ça lui apporterait quoi de savoir son nom ? Il n’avait rien d’un samurai ou d’un quelconque guerrier, non ? Bon, puisque ça avait l’air d’avoir de l’importance pour lui et que de toutes façons il était armé…

« Je… Mon nom est Kaoru… Quand à mon clan… »

Il allait tout de même pas lui dire qu’il était au service du seigneur Yamigumo non plus, si ? Autant signer son arrêt de mort tout de suite et ça il voulait l’éviter pour le moment.

« Bah mon clan… c’est pas vraiment un clan, mais ma famille répond au nom de Kawazu si vous tenez à le savoir. »

La petite grenouille espérait que les noms donnés satisferaient la curiosité du porteur de sabre et que cela lui ôterait l’idée de l’égorger. En même temps, on pouvait sérieusement se poser la question que quelque soit la réponse laisserait il en paix le batracien.Quoi qu’il en soit, il adressa au rônin un regard de chien battu à vous fendre l’âme.

« Ma réponse vous convient elle messire ? Ou voulez vous que je vous prouve que je ne suis pas un de ces vils brigands…»

Ryuuketsu l’écouta patiemment geindre ses réponses. Il nota cependant un petit moment d’arrêt au moment de dire son clan. Si c’était un Kitsune et qu’il le prenait pour un Tengu, cela pouvait s’expliquer. Et puis un sabre avait toujours le dons de faire venir les réponses trois secondes plus tard alors qu’on les voudrait trois secondes plus tôt. La prochaine fois il essayerait de questionner les gens sans, on ne sait jamais peut-être que ça marcherait mieux ?

« Kaoru-san, cela se voit tout de suite que tu n’es pas un bandit… »

En un tour de main, Ryuu rengaina son sabre, s’excusant mentalement auprès de sa lame. Mais il lui offrirait un sang bien meilleur d’ici peu, il le lui promettait.

« Tu trembles trop pour cela »

D’une légère poussée à l’épaule, le jeune homme écarta Kaoru, se souciant bien peu du fait qu’il pouvait lui faire perdre l’équilibre. Bon, il ne lui restait plus qu’à reprendre la route à présent, celle-ci était encore assez longue.

« Bonne journée ^_____^ »

Suite au mouvement d’épaule de Ryuuketsu, Kaoru perdit l’équilibre encore une fois. Il s’étala en beauté dans ce qui s’avéra être à moitié de l’eau et à moitié de la vase. Décidément la journée s’avérait être des plus mauvaises pour la grenouille. Il était encore sous l’eau lorsqu’il tenta de respirer, réflexe batracien, et comme cela fut prévisible manqua de se noyer. Il refit donc brusquement surface, crachant l’eau saumâtre, et repris péniblement son souffle en s’asseyant sur une motte de terre ferme.

« Maudit corps ! Je hais les humains ! »

Finalement, le batracien n’était plus du tout assuré que ce dans quoi il était tombé ne fut que de l’eau et de la vase ; une odeur de mort se faisait sentir maintenant. Il bougea un peu et mis la main dans quelque de mou et de poisseux. Il jeta un coup d’œil et retira sa main du cadavre d’un corbeau en décomposition.

Là, il en avait sa dose des marais ! Il reprendrait ses recherches une autre fois. Tout ce qu’il voulait maintenant, c’est trouver un coin plus calme et où il pourrait se laver un peu. Ensuite il irait à la recherche de ces enfants dont avait parlé Yamigumo sama.

« J’me demande pourquoi le maître m’a confié ce genre de mission… » marmonna-t-il pour lui même. Il se releva alors péniblement, chancelant sur ces deux nouvelles jambes.

Ryuuketsu s’apprêtait à partir sans ne plus accorder ne serait-ce que la moindre once d’attention à ce qui avait faillit être une de ses nouvelles victimes. Seulement, les exclamations de l’autre ne purent que piquer sa curiosité. Qu’est-ce que tout cela voulait dire ? Que cet…cette chose ? n’était pas humaine ? Qu’était-ce alors ? Un Yokai ? Dans ce cas il y avait de fortes probabilités que son maître… Ah moins que lorsque Kaoru avait parlé de maître, il avait fait référence au maître d’un petit clan, d’une petite tribu et non pas à…

« A parler trop fort on révèle des choses qui n’auraient jamais dut l’être… »

Retenir l’autre ? L’interroger ? Cela semblait le plus logique à faire effectivement. Ryuuketsu se retourna donc vivement, dardant ses yeux sur le batracien, comme essayant de lire à travers lui bien qu’une telle chose soit totalement impossible à faire.

« Maintenant si tu ne veux pas te retrouver en aussi mauvais état- voir pire- que ce corbeau…je te conseille de me raconter ton histoire »

Le visage impassible du jeune homme s’éclaira d’un énorme sourire on ne peut plus enfantin tellement il était exubérant. Enfantin, malsain. Le marais n’était pas le lieu le plus accueillant pour écouter des récits mais ça conviendrait à défaut d’autre chose…

Et voilà que l’autre revenait à la charge ! En même temps le batracien en devait s’en prendre qu’à lui même, quelle habitude stupide que de penser à voix haute. Il devait aussi reconnaître que l’humain avait l’oreille plus sensible que certains de ces affreux yokais du palais. Bon maintenant il fallait trouver un mensonge crédible… Après quelques secondes de pur vide à contempler le sourire malsain de l’autre, il lui vint à l’idée que là il avait un potentiellement un problème !

Bon ! Il ne fallait pas paniquer ! Il jeta un bref coup d’œil alentours, évaluant ses chances de fuites à quasi nulles. Il lui faudrait gagner du temps alors… Bon sang, ce que ça pouvait être dur parfois de vouloir rester en vie, car il ne doutait pas que le sourire de Ryuuketsu n’inaugurait rien de bon pour lui. Il s’accroupit pour se laver les mains dans de l’eau plus ou moins claire.

« Je l’admets. Je me suis trahi bêtement ! »

Il se releva de nouveau pour faire face à son interlocuteur, enfin essayer de faire face car il était moins grand en fait et donc essayer de lui faire peur en disant qu’il était un yokai surpuissant ne serait pas crédible.

« Mon histoire, sauf votre respect, elle ne vous intéresse sûrement pas messire. Mais si vous voulez tout savoir, je suis une pauvre grenouille du clan Kawazu à la recherche du marais natal de sa famille. »

Voilà il avait finit par dire la vérité, du moins une partie, en espérant que cela suffirait au jeune homme.

Là, sur le coup, Ryuu cligna plusieurs fois des yeux…avant d’éclater de rire à tel point qu’il s’en tenait le ventre. C’était tellement absurde et si effroyablement logique d’un côté… Le jeune homme se redressa, essuyant des petites larmes de rire au coin de ses yeux

« Kaoru-san… rien qu’à votre nom j’aurais dut m’en douter, je suis un idiot »

Le rônin s’approcha alors du pauvre yokai et lui tourna autour, un air tout ce qu’il y a de plus curieux au visage. Curieux et… presque ébahi. Il poka l’épaule de l’autre homme avec insistance

« Est-ce que vous sautez-bien ? pourquoi être en humain ? Ce serait plus simple de chercher en grenouille non ? »

Des questions anodines, futiles. Néanmoins, déjà les yeux inquisiteurs de Ryuuketsu cherchaient sur les vêtements une marque, un signe distinctif qui pourrait l’aider à savoir si le clan Kawazu était rattaché à un autre clan

« Mais… Kaoru-san… et ce maître dont vous parliez ? Ce n’est pas bien, vous ne me dites pas tout »

Le jeune homme prit un air faussement chagriné et boudeur, pokant cette fois-ci le nez de Kaoru. Une manière comme une autre de se moquer de lui…

Nan mais là, il en serait presque vexé s’il n’avait pas déjà l’habitude de se faire railler et insulter dans l’antre du seigneur Yamigumo. Au moins il aura eu le mérite de distraire le jeune rônin un instant. Mais voilà que celui ci se mettait à lui tourner autours, lui frappant même l’épaule. Il avait peur qu’il soit un mirage ou quoi ?

« Si je saute bien ? Bah oui sous ma forme originelle, tout comme je nageais bien. »

En fait il n’eut pas le temps de répondre à toutes les questions qu’il lui posait. En même temps celles ci se faisait un peu plus dérangeante. Enfin tout autant que la dernière en fait. Il cligna des yeux et eu une légère grimace en retroussant son nez sous l’effet du léger coup. Qu’elle idée avait il eu de parler tout à l’heure, il allait devoir parler du seigneur maintenant !

« Je… Je n’ai pas choisi de devenir humain. Je n’ai fait qu’exécuter le souhait du seigneur noir. Celui qui habite par delà le lac. Tous les bakemonos de ma connaissance sont à son service. »

Son expression avait changé en repensant au sinistre personnage, elle était plus sombre et empreinte d’une certaine crainte.

« Et en humain tu n’y arrives pas ? A nager …»

Des questions au premier abord innocente et idiotes mais mine de rien, Ryuuketsu essayait de se enseigner sur son potentiel ennemi, voir les bakemonos en général. L’air de Kaoru se fit alors plus ennuyé et légèrement craintif. Enfin on passait aux choses sérieuses. Sans s’en rendre compte, Ryuu eut un sourire carnassier.

« Le seigneur noir hein ? Pourquoi ne pas dire son nom tout simplement…ça te fait peur ? »

Le jeune homme éclata de rire à nouveau, à croire qu’il ne savait faire que ça. Bien entendu il se moquait, que pouvait-il faire d’autre sinon ?

« Yamigumo… ce n’est pas difficile à prononcer »

Le nom semblait envelopper d’une rancœur toute personnelle lorsque Ryuu le disait. Comme un amer poison qui le fit grimacer l’espace d’un instant tandis que ses yeux lançaient des éclairs.

« Quelle mission t’a t’il donné ? affamer encore quelques pauvres diables ? Que c’est noble monseigneur grenouille… »

Tous les bakemonos au service de Yamigumo ? Mais y avait-il aussi des humains ? Bah aucune importance. Aux yeux du rônin, ce n’étaient déjà que des cadavres. Des cadavres puants et pourrissants…

« Bah, que ce tyran profite donc de son pouvoir tant qu’il en a, les choses vont commencer à changer… »

L’humain continua de lui poser des questions idiotes, enfin idiotes de primes abords mais ça la grenouille ne s’en rendait pas compte sur le moment. Par contre il remarqua le sourire carnassier. Et voilà qu’il lui demandait s’il avait peur de prononcer le nom de Yamigumo. Enfin, qu’il se moque tant qu’il le voulait, il en avait vu d’autres même si ça commençait à l’irriter un peu. Et puis, c’était lui qui était en possession du sabre après tout. C’était simple, maintenant il préférait ne plus rien dire, ça valait mieux. D’ailleurs il avait été bien trop bavard, beaucoup trop.

Quoi qu’il en soit, le rônin semblait avoir une dent contre son maître, comme beaucoup d’hommes sans doute. Mais en tout cas celui ci semblait bien prétencieu. Qu’est ce qui pouvait lui faire croire que lui, ou quelqu’un d’autre d’ailleurs, pourrait le vaincre ? Après tout ce n’est pas comme si le yokai était en place depuis un certains temps…

Ryuu eut un soupir ennuyé. Ce n’était plus marrant, Kaoru ne parlait plus du tout. Plus maligne qu’elle en avait l’air la petite bête ! Que pouvait-il donc en faire ? le tuer ? Le rônin ne trouvait pas que le titre « chasseur de grenouille » lui seyait à merveille cependant. Que faire, que faire ?

De toute manière, soit il le tuait ici, soit il le tuerait à la forteresse, lorsque il pourrait enfin prendre sa revanche sur Yamigumo ! Et cela ne saurait tarder, la soif de sang courait dans les veines du jeune homme, puissante et destructrice. Bientôt…

« Tu es ennuyeux »

Que cet être pitoyable retourne donc affamer les gens, Ryuuketsu avait d’autres choses à faire, comme commencer à marcher par exemple. Ce n’était pas qu’il était fatigué mais se reposer un peu lui serait bénéfique. Se reposer et se calmer. Car sa main tremblait sur le fourreau de son sabre.

Le jeune homme tourna donc le dos à son interlocuteur et recommença à avancer, ne se souciant plus le moins du monde de la grenouille. Elle l’avait bien mérité !
Que se passerait-il pour ces marais, une fois Yamigumo mort ? Ryuu s’en foutait, ce n’était certainement pas ses affaires.

L’homme partait enfin ! Kaoru était donc libre, et entier, de retourner vaquer à ses occupations ! Il gratta machinalement une plaque de boue qui commençait à sécher sur sa joue. Mais c’est qu’il devait avoir une allure horrible là ! Il chercha du regard, un coin où il pourrait prendre un bain tranquille. Seulement au beau milieu d’un marais, il ne fallais pas s’attendre à trouver une station de cure thermale. D’ailleurs, où allait il bien pouvoir passer la nuit ? Il regarda Ryuuketsu s’éloigner et songea instinctivement prendre la direction opposée. Mais ça voulais dire revenir vers le lac et vers la frontière. Endroit dangereux, il devait patrouiller pleins de samouraïs du clan Tengu. En plus ça faisait de la route !
D’un autre côté, avait réellement envie d’emprunter le même chemin que ce rônin désagréable ? Il avait vu la main de ce dernier trembler sur la poignée de son katana et il n’était pas dans ses projets d’avenir de passer en brochette. En même temps celui ci devait savoir où il se dirigeait. Peut être y aurait il une auberge par là, même si la compagnie d’autres humains puants ne l’enchantait pas. Remarque ce ne pouvait pas être pire que la compagnie des yokais empestant le sang et la mort.
Bon, bon, bon ! Il irait donc vers l’ouest, en espérant rencontrer une habitation accueillante. Le temps de relever la tête et le jeune homme avait déjà grandement avancé. Tant mieux cela mettrais de la distance entre eux. La grenouille se mit donc à avancer, quand une autre idée germa dans sa tête. Et si l’autre pensait qu’il le suivait ? Il n’apprécierait sûrement pas. Que faire ? Le batracien arborait maintenant un air à la fois songeur et inquiet, mais avançait toujours.
Après quelques secondes passées ainsi, la solution se fit jour dans le cerveau de Kaoru ! Mais c’est bien sûr ! Il n’avait qu’a aller plus vite et dépasser le rônin. Soulagé, il se mit a accélérer le pas, se laissant même aller jusqu’à sourire et à siffloter savourant sa liberté. Finit les interrogatoires, finit les ordres de monstres assoiffés de sang et de tripes, oui s’il se débrouillait bien, il n’aurait plus à subir le joug de ces tyrans !
Il était arrivé à hauteur du samouraï sans maître et pris grand soin de passer le plus loin de lui qu’il le pouvait. Une fois celui ci derrière lui, il se rendit compte que son idée avait une grosse faiblesse. Et si l’autre voulait l’attaquer dans le dos ? Un frisson remonta le long de l’échine du batracien, il ne sifflotait plus, avait perdu son sourire et était maintenant inquiet. Finalement il se mit à accélérer encore plus et était en train de courir avant même qu’il ne s’en rende vraiment compte. Il manqua d’ailleurs de s’écrouler, car bien qu’il ai saisi comment marcher, courir était un peu plus compliqué.

***

La grenouille avait semé le rônin, ou du moins le croyait il. La nuit était presque tombée et pas la moindre trace de l’auberge tant espérée. Le pauvre petit Kaoru avançait lentement maintenant et finit par s’asseoir prés d’une motte de roseaux. Il regarda ses pieds nus. Une multitude de petits cailloux semblaient s’être incrustés dans la peau, le faisant saigner par endroit. Les humains avaient la peau des pieds bien fragiles pour des êtres terrestres. Il regardait maintenant la vaste étendue des marais se faire avaler par l’obscurité grandissante et les étoiles s’allumer, quand quelque chose d’autre s’illumina. Un lampion… Cela signifiait un bâtiment à proximité. La grenouille se releva et se dirigea vers ce point lumineux, ne prêtant pas attention à ses pieds écorchés.
Il arriva devant une sorte d’auberge à l’allure bien vétuste, mais d’où de la lumière et des échos de voix humaines s’échappaient. Il fit coulisser la porte et se retrouva nez à nez avec la plus horribles des humaines qu’il avait jamais aperçu. La femme aux traits rudes et aux cheveux grisonnant fit grincer ses dents, son regard était intimidant. Néanmoins le petit batracien réussit à articuler :
« Bien le bonsoir… »
La vieille le repoussa dehors et ouvrit à son tour la bouche pour laisser entrevoir des dents jaunes virant au noir et laisser se répandre une odeur fétide. « La maison n’accepte pas les mendiants ! Du balais ! » La porte lui claqua alors au visage, le laissant planté là encore sous le coup de la surprise. Il entendit alors s’élever de l’intérieur des rires gras et ne retenta pas d’entrer. Etait il possible que des humains aussi laids peuplent les environs des marais ? Kaoru ne l’aurait jamais deviné s’il ne venait pas d’en rencontrer. Dépité, il s’avança vers de hautes herbes et s’assit en tailleurs. Il commençait à faire froid. Il sortit de la manche de kimono une petite flûte noire et luisante et la porta à ses lèvres. Une douce mélodie s’éleva haute et claire dans le début de cette nuit fraîche.
La porte s’ouvrit à la volée et la vieille sortit en braillant. Kaoru se ramassa même un objet non identifié en pleine face et finit par battre en retraite voyant que la sorcière commençait à le courser avec un bâton.
Finalement, Kaoru se retrouva à s’asseoir devant une étendue d’eau appartenant aux marais. Les humains étaient vraiment des créatures ignobles en cet instant dans son esprit. Il médita un moment là dessus en contemplant la surface réfléchissante, puis se demanda si c’était encore la saison des lucioles. Sur ces pensées, il joua de nouveaux un air de flûte, essayant d’attirer ces petits insectes luminescents à lui.

[J'ai été inspirée moi ce soir O___o"]

Kaoru, tout à son air de flûte, était comme déconnecté de la réalité. Plus rien alentour n’existait, il n’avait plus à faire attention à la venue possible d’un yokai mal embouché pour lui faire avaler sa flûte. C’était si bon de pouvoir enfin jouer sans redouter de finir en brochette ! Bon… il y avait cette vieille de l’auberge qui pouvait débouler et lui jeter ses tatanes, mais c’était tout de même moins effrayant qu’un monstre pleins de crocs… Quoiqu’en repensant à l’allure de la femme et à son haleine, cela pouvait être sujet à controverse. Finalement, cet instant fut gâcher par cette pensée qui se répercuta en une fausse note dans la mélodie. La grenouille, se retourna histoire de se rassurer quand au fait que la vieille n’allait pas surgir d’un tas de roseaux et qu’elle ne fut pas sa surprise lorsqu’il vit que quelqu’un se tenait en silence derrière lui !

Un hurlement de stupeur plus tard, il reconnu le rônin de tantôt ce qui ne le rassura pas du tout !

« Messire samuraï ? Que faites vous là ? »

Sa vois trahissait évidemment son anxiété. Il ne se souvenait que trop bien de l’état de l’autre durant l’après midi : il lui avait semblé ne pas être le moins du monde embarrassé de tuer le bakemono. Le batracien déglutit de façon assez sonore, tout en s’accroupissant de façon à bondir et à filer au moindre signe de danger. Il tenait sa petite flûte devant lui, maigre rempart en cas d’attaque de front.

Messire samouraï ? Ryuu rouvrit les yeux en entendant qu’on l’appelait ainsi. Ah, mais n’était-ce pas la grenouille de l’après-midi ? Ainsi donc les batraciens savaient se faire flûtistes ? Et celui-ci semblait assez doué de toute évidence. Quel était son nom déjà ? Ryuuketsu l’avait rangé dans un coin de sa mémoire au cas où le hasard prévoirait une nouvelle rencontre. Bien sûr il n’avait pas prévu que cela soit aussi tôt. Voyons-voir…

« Vous revoilà donc Kaoru-san »

Que faisait-il ici ? N’avait-il pas vu l’auberge un peu plus loin ? Ou bien peut-être préférait-il la boue des marécages, il avait dut y prendre goût à force d’y patauger tout l’après-midi presque jusque à en manger au vu de la fréquence de ses chutes.
Le rônin, lui, sentait la fatigue venir. Tout ce qu’il avait voulu faire, c’était écouter le morceau de flûte. Maintenant, celui-ci était fini. Ne lui restait donc plus qu’à partir.

« Les nuits ne sont pas sûres, tu ferais mieux de te trouver un endroit pour dormir »

Kaoru semblait effrayé. Pas étonnant, Ryuu se sentit sourire à cette constatation. Que c’était bon de voir les autres trembler devant soi ! Il lui suffisait de faire un geste du bras pour que la grenouille ne parte en courant – ou peut-être en bondissant- elle ne pouvait pas l’attaquer. Il était fort et le savait, mais Ryuu était orgueilleux aussi, peut-être un peu trop, peut-être bien trop…

« Tes tremblements sont bien trop fort, cela va te désiquilibrer. Est-ce cela les yokais que je dois craindre ? »

Grumpf !

Mais quel genre d’individu avait il devant lui ? Un instant il semblait s’inquiéter pour le batracien, ce qui semblait tout à fait irréel, et l’instant d’après il se montrait orgueilleux et blessant, le Ryuuketsu normal quoi ! Celui ci, bien qu’effrayant pour le batracien était aussi très énervant. Mais bon, il pouvait se le permettre car après tout c’était lui qui tenait le sabre. Enfin, ça n’empêchait la grenouille de l’ignorer. Celle ci se redressa, se tenant bien droite du haut de son mètre cinquante et lui tourna le dos sans un mot avant de s’éloigner de quelques pas. Il n’avait pas envie de se prendre un coup de sabre en traître. Il se rassit et repris son jeu de flûte. Seulement Kaoru pensait qu’il serait bon de donner une petite leçon au rônin… Oh pas au sabre ! Il était pas fou, non ! Mais tout de même…

Il entama un air doux, très doux et un rien mélancolique. Un air qui était apaisant. Un air qui endormait quiconque l’écoutait. Et la petite grenouille, malgré son humanisation handicapante, le jouait à merveille…

Tiens, mais c’est qu’il en serait presque attendrissant le batracien à vouloir l’ignorer ainsi ! Sa réaction était puérile, très puérile, et Ryuuketsu s’en moquait intérieurement, oubliant bien vite que, lui-même souvent, avait ce genre d’attitude lorsque quelque chose lui déplaisait et qu’il ne pouvait avoir recours à son sabre…

Kaoru ne s’éloigna pas trop, il alla juste un tout petit peu plus loin et reprit sa flûte. Ryuu songea qu’il était étonnant de voir la dextérité de ce faux humains avec ses doigts sur le petit instrument alors qu’il avait toutes les peines du monde à mettre un pied devant l’autre…

La musique était belle, douce, peut-être un peu mélancolique aussi ? Ou alors c’était le jeune homme qui voyait tout de cet œil. Les yeux mi-clos, le rônin appréciait chaque notes. Inconsciemment, il se mit à penser à sa mère, la triste Akatsuki. Et puis ensuite, ce fut le souvenir de ses nuits d’enfants qui revint, lorsque sa mère lui chantait inlassablement des berceuses pour qu’enfin, il réussisse à s’endormir.

Pourquoi se rappelait-il de ça ? Peut-être à cause de l’engourdissement qui le gagnait. Mais cette fois-ci, Akatsuki ne lui chantait rien du tout…alors quoi ? Alors fermer les yeux. Complètement…

Et l’air de flûte, oui, l’air de flû….La flûte ! Ryuu leva un regard brumeux vers le grenouille. Ce fut alors qu’il remarqua qu’il était tombé à genoux. Depuis combien de temps ? Le rônin n’était plus en état de réfléchir..

« Tu me le payeras ! »

Ses gestes étaient gauches et lent , il n’avait même pas la force de se relever. L’idée de se couper la main avec son sabre pour se réveiller lui vint. Mais encore faudrait-il le tirer de son fourreau…bouger la main…

Il ne fallut que quelques notes avant que le rônin ne se retrouve à genoux, l’invectivant une dernière fois avant de sombrer dans le sommeil. La petite grenouille fini néanmoins l’air avant de retourner auprès de celui ci. Il l’étendit un peu plus confortablement dans l’herbe avant de s’éloigner tranquillement, se disant qu’on ne viendrait pas l’embêter dans son sommeil. Le voilà qui était bien attentionné pour une personne qui l’avait jusqu’à il y a quelques instants menacé, mais Kaoru n’était pas un guerrier et n’aimait pas faire du mal aux gens de toutes façons.

Kaoru s’éloigna lentement car ses pieds lui faisaient toujours mal. Au bout de quelques minutes, il prit la résolution d’essayer de se débarrasser de la vilaine boue qui collait toujours à sa peau dans un petit ruisseau. Après une bonne heure passée à essayer de se laver à la lueur des lucioles, il se mit en tête de trouver un petit abris où dormir… Il s’installa dans les racines d’un vieille arbre, espérant que personne ne viendrait le déranger. Il se roula en boule et malgré la fatigue qui le tenaillait, il trouva avec difficulté le sommeil. Il s’inquiétait pour le reste de sa famille restée dans les entrailles de la forteresse de Yamigumo. La lune était bien haute dans le ciel quand la petite grenouille humaine s’endormie.

Le soleil était encore bas sur l’horizon quand Kaoru fut réveillé par une brise fraîche. Le ciel quand à lui était chargé d’une promesse de pluie. Quoi qu’il en soit, le batracien se remit en route, ne sachant trop où aller.